Nous vous écrivons depuis le présent liquide : le temps de la célérité et de la précipitation, de l’avancée perpétuelle et de l’immédiateté, le temps nerveux qui ravage, absorbe et monétise tout ce qui se trouve sur son chemin. Et pourtant, une force contraire nous attire vers elle : celle des temps lents de la rêverie et du farniente, des évolutions longues, imperceptibles à l’œil nu, de l’histoire et des mutations profondes qui en découlent.

Théorisé par le sociologue Zygmunt Bauman, le concept de présent liquide décrit l’ère contemporaine, une époque où la vitesse prime sur la durée et où les cadres de vie et les modes d’action, en évolution permanente, changent avant qu’ils ne puissent se figer en habitudes et routines*. Avec l’exposition Circades, nous souhaitons mettre en avant des œuvres qui réfutent la logique de l’instantanéité qui caractérise notre époque. 

Néologisme créé par espace fine, le terme Circades fait référence au rythme circadien, ce rythme biologique se répétant de jour en jour et régissant le fonctionnement naturel des organismes vivants. Inspiré·e·s par cette notion de temps cyclique et répétitif, nous souhaitons présenter une sélection d’oeuvres qui s’inscrivent dans des temporalités plus lentes, en dehors des impératifs de productivité, de consommation effrénée et de court-termisme qui caractérisent notre cadre sociétal.

Tant par les imaginaires qu’elles mobilisent que par leurs modes de production et d’appréhension, ces travaux redéfinissent notre rapport au temps. Les artistes choisi·e·s s’intéressent aux notions de rituel, de transmission et de quotidien, aux phénomènes naturels et aux cycles vitaux de la matière, ainsi qu’au temps lent et complexe de l’histoire. Leurs oeuvres mettent à l’honneur des savoir-faire ancestraux, des modes de consommation et de production plus durables ; elles évoquent les temps suspendus du quotidien, ou les temps longs de la vie organique ; enfin, elles mobilisent des instances irrémédiablement marginalisées dans notre présent liquide : l'oisiveté, le déchet et l’onirisme.

À travers ces multiples axes, l’exposition Circades appelle à la contemplation, proposant aux visiteur·euse·s de s’absorber progressivement dans les univers évoqués par les artistes, s’immergeant dans une dimension temporelle se situant en dehors des cadres de rendement et de mesure de notre époque. 

Virna Gvero

* Zygmunt Bauman, La vie liquide, Éditions Fayard, coll. Pluriel, Paris, 2013