TERRA IN/COGNITA · ESPACE VOLTAIRE, PARIS · 18 - 22 MAI 2022 ·
TERRA IN/COGNITA · ESPACE VOLTAIRE, PARIS · 18 - 22 MAI 2022 ·
Vue de l’exposition Terra in/cognita. Crédit image : Juliana Turull
espace Voltaire, Paris, 18-22 mai 2022
Avec les œuvres de : Patrick Bousquel, Anne Damesin, Aubane Despres, Cecilia Garcia Riglos, Amélie Grosset, Flo Lacombe de Repentigny, Ève Martin, Léa Ougier, Lina Toffini, Juliana Turull.
Terra in/cognita
En s’engouffrant dans l’espace, tu es chez toi. Les plantes sont là, les photos de mannequin punaisées au mur, ce paysage hérité de ton oncle. Pourtant, une inquiétude s’infiltre. Le couloir a-t-il toujours été si long ? Tu marches longtemps, peut-être des heures. Tes yeux se troublent, des visions s’échappent de sous tes paupières. Tu vois au loin un archipel luxuriant, des cathédrales incompréhensibles. Plusieurs secondes, années, passent. Tu ne reconnais plus rien. Tes pieds foulent le sable d’une galaxie lointaine. Quelque chose (quelqu’un ?) t’appelle. Tu vas à sa rencontre, la main tendue. Rien ne sera jamais plus comme avant.
Terra in/cognita réunit les œuvres de Patrick Bousquel, Anne Damesin, Cecilia Garcia Riglos, Amélie Grosset, Lina Toffini et Juliana Turull, résident.e.s des ateliers Voltaire, ainsi que celles de quatre artistes invité.e.s : Aubane Despres, Flo Lacombe de Repentigny, Ève Martin et Léa Ougier. L’exposition se veut comme un récit articulé en trois parties, titrées Ekumen, La brèche et Nova. Conçus comme des espaces à la fois physiques et narratifs, ces trois chapitres de l’exposition sont rythmés par une transition progressive du domaine de l’expérience sensible vers des univers fictifs et composites. Pensés comme un réseau ouvert et fluide, ces trois espaces s’entrecroisent et se superposent : en leur sein, les œuvres présentées dessinent une trajectoire qui oscille entre le rapport mimétique au réel, sa déconstruction par des mécanismes de subversion et de détournement, ou encore son dépassement par le recours à l’auto-fiction et à la divagation onirique ou par la création de mondes autres.
Point de départ de l’exposition, Ekumen, dont le titre est tiré du cycle de romans homonyme d’Ursula K. Leguin, aborde la relation sensible ou symbolique des artistes à leur environnement immédiat, aux espaces et aux imaginaires qui le composent. Iels s’intéressent alors aux phénomènes sensibles, au monde végétal et organique ou aux paysages du quotidien, mais aussi aux champs de représentation qui sous-tendent le monde visible, jouant avec leur symbolisme et leurs langages spécifiques. L’espace que nous habitons et le soi plus intime se dévoilent, les images qui saturent nos champs de vision se tournent vers nous et nous observent, les formes du vivant dansent devant nos yeux : toutes les instances qui composent le périmètre du réel s’ouvrent peu à peu, commencent à craqueler, laissant entrevoir leur structure primaire, ainsi que l’étrangeté sous-jacente qu’elles dissimulent.
La brèche prolonge cette narration : conçu comme un espace intermédiaire, ce deuxième chapitre de l’exposition représente le lieu des métamorphoses, des transformations réversibles, d’une exploration du réel qui s’opère par la déconstruction de l’espace, l’hybridation des formes et le brouillage des frontières. Dans cet espace de l’entre-deux, les œuvres s’ouvrent progressivement à l’incertitude, à l’attribution de sens multiples. Des objets monolithiques, étranges et familiers, sont traversés par la lumière, les hologrammes d’un paysage végétal à la fois luxuriant et inquiétant brouillent nos points de repère, les silhouettes de corps en contraction luttent pour casser la géométrie étouffante de l’espace. L’intérieur et l’extérieur forment une surface unique et continue, tandis que des formes à la fois telluriques et organiques évoquent des paysages en métamorphose, ou les fragments de corps morcelés. Petit à petit, l’espace se dilate et se déforme ; les visiteur·euse·s l’aperçoivent sous un aspect différent à chaque rencontre avec les œuvres.
Nova, dernier chapitre de l’exposition, entraîne un déplacement à la fois physique et conceptuel vers un espace stratifié et dépourvu de limites tangibles. C’est ici que les artistes font éclore les univers sensoriels, fictifs et interactifs que nous appelons les hypermondes. La déesse extraterrestre tient son orbe transparente, image et reflet de mondes fantasmés, chimériques et imaginaires invoqués par les artistes et dont on rencontre, dans cette déambulation narrative, les vestiges : ce sont des reliques de la vie organique, des ovoïdes d’où émergent les nouvelles formes du vivant, des paysages fantasmés régis par des lois secrètes, traversés par des corps hybrides, des esprits dansants. Multiples et multiformes, ces hypermondes nous attirent et nous enveloppent ; pris.e.s dans leurs orbites, nous commençons déjà à chanter des nouvelles cosmogonies.
Virna Gvero et Jay Levent (chapeau)
collectif espace fine