PLACEHOLDERS · ESPACE NONONO · TOUR ORION, MONTREUIL · 6-9 JUILLET 2023 ·
PLACEHOLDERS · ESPACE NONONO · TOUR ORION, MONTREUIL · 6-9 JUILLET 2023 ·

Vues de l’exposition Placeholders. Toutes les images : Yves Bartlett
L’exposition Placeholders prend racine dans le contexte transitoire de la Tour Orion, tour de bureau située à Montreuil, destinée à être réhabilitée dans le contexte d’un large plan de réqualification urbaine intéressant le quartier Croix de Chavaux. Chantier dormant en attente de rénovation, elle accueille actuellement des espaces de création et d’expérimentation artistique à la temporalité éphémère. Dans ce cadre spatial spécifique, voué à muter et à évoluer vers des nouveaux usages, l’exposition Placeholders cherche à explorer notre rapport à l’espace à travers des œuvres qui construisent une expérience sensible et subjective du lieu.
Au sein de la ville fluide et générique*, marquée à la fois par la standardisation et le renouvellement perpétuel des lieux de vie, l’architecture se fait provisoire, ses surfaces mobiles, interchangeables ; l’espace devient une unité malléable, modulable à l’infini. Évacué de son identité, il est soumis à un processus de conversion banalisée : les frontières entre les fonctions et les besoins deviennent poreuses, les espaces et les usagers évoluent au fur et à mesure que la ville se refait sur elle-même.
Dans ce contexte où la ville et ses repères se fluidifient, les œuvres présentées renvoient aux mécanismes physiques et symboliques de production et de transformation de l’espace. Par un déplacement de leur statut fonctionnel, les matériaux constitutifs de nos lieux de vie et destinés à s’effacer dans leur contexte d’utilisation, basculent ici dans le régime du visible. Issus de l’exploitation des sols, de l’espace intermédiaire du chantier, empruntés au secteur de la construction, ils portent les traces des lieux et des activités qui participent à la recomposition permanente de la ville et aux glissements dans les modes d’habiter les lieux.
Émancipé de sa fonction première, la matière qui compose, protège, aménage les espaces — participant à leur transformation implacable — est réinvestie ici d’une dimension affective. Dans cet espace multiforme et voué à disparaître, ces œuvres évoquent alors les interactions, le souvenir des relations et des récits qui participent à la construction symbolique de nos lieux de vie. Tels les prototypes d'espaces encore à construire ou le vestiges de chantiers désormais abandonnés, elles articulent la temporalité incertaine de l’attente, formant une architecture composite qui vise à réactiver la relation entre les usagers et le lieu.
Virna Gvero
* J’emprunte les notions de “ville fluide” et “ville générique” au sociologue Zygmunt Bauman et à l'architecte Rem Koolhaas respectivement.